Le procès à la CPI, par lequel les vrais instigateurs de la guerre en Côte d’Ivoire tentent de faire porter toute la responsabilité de la
crise ivoirienne à Laurent Gbagbo, piétine à la recherche
des témoignages accablants contre l’ancien Président ivoirien.
charges se succèdent à la barre, mais finissent par déposer
à décharge. Pour comprendre ce retournement de
situation nous avons décidé de vous proposer de lire le témoignage
d’Alain Dogou, représentant du candidat Laurent Gbagbo à la CEI pour l’élection de 2010, et dernier ministre de la Défense du Président, après la proclamation des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel.
Youssouf Bakayoko ou le silence coupable «J’étais le représentant du candidat Laurent Gbagbo auprès de la Commission électorale indépendante (CEI).
J’avais été désigné par ordre par le directeur de campagne Issa Malick
Coulibaly afin de suivre en son nom toutes les étapes de la
consolidation des résultats au niveau du siège de la Commission
électorale indépendante. Je rappelle que j’ai passé neuf
ans à la CEI dont sept années comme représentant des différents
ministres en charge de l’Intérieur ou de la Sécurité, de
novembre 2001 à juin 2008.
Puis, représentant du Président de la République de juin 2008 à
jusqu’à l’affaire de 490.000 pétitionnaires que l’ancien
président de la structure,Beugré Mambé Robert avait
tenté d’introduire sur la liste électorale définitive, à l’insu des
Je connais donc bien cette institutionet son mode de fonctionnement ».
Alain Dogou a assisté aux opérations de consolidation des résultats
à la CEI. «Au premier tour et relativement aux textes qui régissent le scrutin, la commission centrale de la CEI avait proclamé les résultats au siège de l’institution, en présence des représentants des candidats»,
rappelle-t-il avant de décrire l’ambiance au siège de la CEI
c’est-à-dire le 28 novembre 2010. Lui et son collègue représentant
du candidat Ouattara sont d’abord mal accueillis ce
jour-là au siège de la CEI où ils passent toute la nuit dans la
cour sans assister aux opérations pour lesquelles ils ont été
mandatés. Le lendemain par contre les choses s’améliorent
quelque peu lorsqu’Alain Dogou s’en indigne auprès de
ses anciens collègues: «Nous avons donc été autorisés à suivre
dans la salle de délibération de la CEI la réception en direct
des résultats en provenance des commissions régionales de
la CEI. Ces résultats bruts étaient discutés par les membres
de la CEI en notre présence,au fur à mesure que les
commissaires régionaux rentraient avec leurs plis des localités
qu’ils supervisaient».
Youssouf Bakayoko, président de la CEI n’était pas présent
dans la salle de délibération.Mais en son absence «c’est l’un
de ses quatre vice-présidents,en l’occurrence Amadou Soumahoro
représentant du RDR, parti du candidat Ouattara, qui
assurait la présidence des travaux.Ce jour-là, à peine les premiers
résultats de l’étranger ont été réceptionnés et pendant
que les commissaires centraux procédaient aux vérifications
usuelles, Bamba Yacouba, représentant des Forces nouvelles
(pro Ouattara), secrétaire permanent de la CEI, les annonce
de manière solitaire sur les antennes de la télévision nationale.
Il regagne ensuite la salle de délibération où il est
sommé par les autres commissaires centraux de s’expliquer
pour ce vice de procédure,dans la mesure où les résultats
bruts en provenance de l’étranger étaient en cours de validation
quand il s’est empressé de les rendre publics. Bamba Yacouba
s’est d’abord confondu en explications floues, puis s’est
excusé par la suite, en reconnaissant n’avoir pas observé la
procédure d’annonce publique des résultats provisoires. Les
travaux de réception et de validation des résultats ont continué
au fur et à mesure que les commissaires régionaux les
transmettaient par fax ou physiquement.
au sein de l’institution en charge des élections. Le président de
de blocage puis retournait dans son bureau, laissant
les vice-présidents Amadou Soumahoro et Coulibaly Gnénéma
le second représentant des rebelles des Forces nouvelles
de Soro Guillaume diriger alternativement les travaux».
Le lendemain 30 novembre les deux représentants des deux
l’ambiance de la veille, ils ont été «priés de quitter la salle des
délibérations où les débats s’annonçaient palpitants entre
les deux camps qui composent l’autorité administrative». La
CEI de 2010 était celle issue de l’Accord politique de Pretoria.
Elle était composée de 31 membres dont 22 avec voix délibérative.
Le RHDP, soutien du candidat Ouattara, comptait 14
représentants sur les 22 tandis qu’il n’y en avait que 8 pour la
majorité présidentielle de Laurent Gbagbo. Les deux autres
représentants étaient du PIT et jouaient, selon Alain Dogou, la
carte de la neutralité. « Il y a lieu de préciser que 317 sur 334 démembrements de la CEI en Côte d’Ivoire et à l’étranger
forces nouvelles contre seulement 17 présidés par les représentants
de LMP au sein de l’Institution. Comme on pouvait
le constater la CEI n’était indépendante que de nom». Au vu
de ce déséquilibre et surtout après la tentative de Beugré
Mambé de contourner les autres membres de la Commission
pour inscrire 490 ;000 pétitionnaires sur les listes électorales,
les décisions au sein de la CEI étaient désormais précises par
consensus. Les résultats, pour être acceptés devaient respecter
scrupuleusement des procédures indiquées par le code
électoral et une circulaire interne à la CEI. Le code électoral,
en son article 59, dispose que «la CEI procède à la proclamation
des résultats provisoires de l’élection présidentielle, en présence des
représentants des candidats».
Cette disposition est renforcée exceptionnellement pour le second
tour de la présidentielle par la circulaire qui stipule en
second tour de l’élection présidentielle est faite par le président
de la CEI en séance publique, en présence des
commissaires centraux». Sans oublier les dispositions de la loi
n°634 du 21 Octobre 2001, portant création, organisation et
fonctionnement de la CEI qui «indique que les décisions et
les délibérations sont prises (au siège de la CEI)». Il faut dire
que c’est le respect de toutes ces procédures qui devait faire
l’objet de la certification par le représentant du secrétaire général
de l’ONU. Mais on se souvient que le non-respect de ces
Youssouf Bakayoko fuit ses commissaires
Alain Dogou décrit l’ambiance qui prévalait le jour de de la forclusion
de la CEI. «Dans la cour de la CEI, j’ai vu sortir, entre 1H
et 2H du matin, du bâtiment qui abrite le siège de la Commission
et s’engouffrer dans leur véhicule, certains membres. Je
me suis approché de l’un des commissaires centraux pour
m’informer de ce qu’ils avaient décidé avant leur séparation. Il
m’a répondu avec curiosité :
«Vous connaissez les procédures,il y a consensus sur les
Certains ont suggéré que seulement les résultats sur lesquels le
consensus a été obtenu soient rendus publics, mais là aussi, il
n’y a pas eu de consensus sur cette proposition. Les autres ont
a été aussi refusée dans la mesure où un résultat non
adopté n’en est pas un. Devant le blocage, et au vu du délai imparti
à la CEI qui est largement dépassé, le Président de la CEI
lui-même nous a donné rendezvous à 11H pour signer les procès-
verbaux». A l’heure indiquée tous les commissaires
seront présents au sein de l’institution électorale à l’heure du
rendez-vous, sauf Youssouf Bakayoko.
Il arrive 25 minutes plus tard. Et Alain Dougou poursuit
son récit : «selon mon interlocuteur de la veille, le président de
la CEI s’est enfermé dans son bureau et, trente minutes après,
qu’il ressortait faire une course urgente avant de revenir prendre
part à la réunion. Les commissaires attendront en vain
dans la salle. Le président de la CEI n’est plus revenu au siège
de l’Institution où il avait abandonné ses collègues commissaires
pour une autre destination». On découvrira peu après qu’il s’était rendu à l’hôtel du Golf, dans le QG d’Alassane Ouattara, d’où il a
annoncé des résultats en dehors de toutes procédures légales
en indiquant que le candidat Alassane Ouattara
était le vainqueur du second tour des élections présidentielles.
Il s’en est suivi la crise postélectorale dont la gestion
des aspects sécuritaires fera l’objet de notre prochaine lecture
du livre de Dogou Alain
Source : «Ma vérité sur le complot
contre Laurent Gbagbo» de DOGOU
ALAIN (collection afrique liberté- ’Harmattan)