le chef de l’Etat de l’époque, Laurent Gbagbo, n’avait pas accepté sa proposition de démissionner et qu’il avait, en plus, fait attaquer
sa résidence. Une version que le livre du journaliste français, Christophe Notin, « Le crocodile et le caïman », qui a eu accès aux documents et informations de la DGSE, ne confirme pas. Pour ce dernier, fin mars, Philippe Mangou était en effet à la fois avec les forces françaises et Laurent Gbagbo.
Il ya un qualificatif qui sied bien au général Philippe Mangou, en cette
fin mars 2011 alors que la crise postélectorale bat son plein et que la guerre
est déjà aux portes du palais de Laurent Gbagbo. Christophe Notin qui a compulsé tous les documents des renseignements français qui les lui livrent pour faire un narratif de la crise à
l’avantage de la force Licorne,écrit qu’à ce moment précis, «le CEMA ivoirien continue
jusqu’à fin mars à se ménager la bienveillance des deux camps en conservant sa place auprès
de Gbagbo tout en entretenant le contact avec Licorne ».
Un officier ivoirien qui, lui, est allé plus loin assure de son côté que le général trois étoiles livrait les positions loyalistes à l’armée de Ouattara et agissait ainsi comme une taupe. Christophe Notin ne change pas le fond des accusations, même s’il assure qu’à cette période la France maniait allègrement la carotte et le bâton. Car d’un côté
« la DGSE en approche certains pour leur vanter les mérites d’un ralliement, mais la plus belle prise de guerre pour Ouattara serait indéniablement le CEMA, Phillipe Mangou, qui est annoncé à plusieurs reprises comme ayant basculé en sa faveur.
L’attaché de défense français,le colonel Héry, qui le connait depuis 2002 se rend
chez lui, sur ordre, pour un entretien particulier au goût desolde de tout compte ».
De l’autre,la France tente d’intimider les officiers ivoiriens.
« Il n’est jamais trop tard pour faire machine
arrière, explique Héry. Si vous le décidez, sachez que nous pouvons assumer la protection
de votre épouse. Sinon,vous savez ce qu’il va se passer, combien vos actes sont illégaux
et comment nous finirons par intervenir». Notin écrit :
«Mangou affirme avoir compris le message (…) Prudent, le CEMA ivoirien continuera
jusqu’à fin mars à se ménager la bienveillance des deux camps en conservant sa place auprès
de Gbagbo tout en entretenant le contact avec Licorne ».
On peut donc comprendre que le CEMA ait pu avoir peur et fuir par la suite. Ce n’est pourtant
pas ce que dit Philippe Mangou qui assure dans une vidéo, devant un auditoire
composé de militants du RDR, qu’il s’est réfugié à l’ambassade de l’Afrique du Sud à Abidjan
lorsqu’il s’est aperçu que le président Laurent Gbagbo s’accrochait au pouvoir.
« Il m’a dit qu’il a noté et qu’il avait sa petite idée. J’attendais donc les instructions qui ne venaient pas. Et c’est en ce moment que j’ai vu sur la télévision une bande déroulante annonçant que le Chef de l’Etat va faire une déclaration. Je me suis dit, il va
sans doute annoncer sa démission. Mais rien », explique Mangou qui accuse également
Gbagbo d’avoir fait attaquer sa résidence. Ce dernier acte l’aurait alors décidé à se réfugier à l’ambassade d’Afrique du Sud où il est resté trois jours avant de réapparaître.
Mais, actualité oblige, ce document corrobore surtout toutes les informations données par
Sam l’Africain sur le coup d’état de la France, à l’occasion de son audition à la cour pénale internationale.
Christophe Notin ne se prive même pas de se moquer de la crédibilité de Ouattara.
Il écrit : « puisque caméras et prompteurs sont fournis par les Français, Ouattara ne seraitil
qu’un homme de paille confortablement installé ?
D’autant que la facture de l’hôtel elle-même est largement prise en charge par le budget
français ? ». La France met en effet un soin particulier à réussir l’opération « dégommage de
Gbagbo ». Ainsi, après avoir ligué la communauté internationale contre le régime de
Gbagbo, elle compte désormais imposer Ouattara sur le terrain.
« Le gouvernement français résout en partie une grave déficience du clan Ouattara, son
bannissement des ondes. Tout d’abord il intervient auprès du diffuseur satellite de la RTI,
Canal+Horizon, ainsi que de l’opérateur du satellite luimême,l’Américain Intelsat, pour réfléchir à l’écho qu’ils offrent aux propos de Gbagbo. Le retour de Ouattara sur les
ondes devient une priorité stratégique.
«Il importait, explique un conseiller à l’Elysée, que Ouattara puisse s’afficher avec
ses pairs en Afrique et à l’international ».
La première étape a été la création d’une station radio, ‘‘Radio Côte d’Ivoire’’,
qui ne nécessita guère de moyens. Mais c’est surtout le petit écran qui est à conquérir:
‘‘Télévision Côte d’Ivoire’’ (TCI) voit le jour le 22 janvier 2011. Diffusés en ondes hertziennes,
les deux médias sont facilement brouillables. La France prend donc l’affaire en
main et, comme elle ne peut l’assumer officiellement, c’est la DGSE qui est chargée
d’acheminer le matériel nécessaire à une émission satellitaire.
En particulier, une antenne parabolique de grande taille est livrée à
Bouaké, posant quelques soucis aux hélicoptères ayant mission de la rapatrier à
Abidjan. Elle arrive en pièces détachées et transportée jusqu’à l’hôtel Ivoire où les techniciens de la ‘‘ DG’’ s’occupent de la mettre en service. TCI sera ainsi relayée à partir du 17 février par Eutelsat.
Le décodeur Strong est nécessaire, du matériel standard, mais encore faut-il le
trouver. En huit jours, la capitale en est miraculeusement pourvue… Le visage du vainqueur
des élections réapparaît.
Donc sur les écrans ivoiriens. Quant à sa voix, elle est aidée par un officier de la
DGSE qui participe au Golf hôtel à la rédaction de ses discours. Puisque caméras et
prompteurs sont fournis par les Français, Ouattara ne serait-il qu’un homme de paille
confortablement installé ?
D’autant que la facture de l’hôtel elle-même est largement prise en charge par le
budget français ?
Jean-David Levitte certifie que Nicolas Sarkozy «l’avait au moins une ou deux fois tous les deux jours au téléphone, pour prendre le pouls de la situation, pour le conseiller, en
rien pour lui dire quoi faire».
Gbagbo peut-il cependant ignorer l’assistance française dans ce pays où tout se sait ?
En tout cas, lui et les siens n’en disent rien », écrit Christophe
Notin. Ce n’est plus le cas depuis le début du procès de Laurent Gbagbo et Charles
Blé mais, surtout, depuis que Sam l’Africain a mis le pied dans le plat et accusé la
France d’avoir instrumentalisé la crise postélectorale pour achevé coup d’Etat qu’il
avait commencé depuis novembre
2004.
Extraits du livre "le crocodile et le caïman". Le Général de Corps d'armée Philippe Mangou rejoint
Alassane Ouattara à l'hôtel du golf, pour lui faire allégeance.
quelques pages des dernières minutes au Palais Présidentiel
Une plongée au coeur des révélations balancé ça et là par "Le crocodile et le Scorpion" de Jean-Christophe Notin, vous guide dans ces ultimes
heures d’intrigues meurtrières…
Acte II.
L’amba s s a d e u r J e a n -Ma r c Simon se rend en effet tous
les jours au Golf hôtel rencontrer soit le président ivoirien élu, soit son directeur de
cabinet, soit Soro, raconte Jean-Christophe Notin. ‘‘Je sentais Ouattara confiant. Il
estimait que Gbagbo allait finir par céder de toute façon. On a pensé qu’il serait bon
qu’il s’installe à Yamoussoukro. Mais c’était très difficile
en raison de la présence de la garde républicaine. Il fallait en particulier s’assurer la
possession de l’aéroport’’, confie l’ambassadeur.
A la croisée des destins Un plan est rapidement
ébauché par Soro :
les forces nouvelles descendraient du nord par l’ouest, secteur jugé plus facile puis bifurqueraient vers la capitale en transversale. Seul inconvénient, mais de taille : «Ils se
sont vite rendu compte, explique Simon, que leur puissance
militaire était totalement dérisoire».
Le schisme ivoirien se cristallise avec deux présidents, deux
administrations, deux armées, qui retrouvent leur autonomie
d’avant 2005.
«Que dois-je faire, confie par exemple une haute autorité militaire ivoirien au Comanfor.Je suis général, nous avons une Constitution semblable à celle de la France, donc je dois rester loyal au
président en place».
Le régime bénéficie encore d’actifs en France.
«La France ne doit pas être en première ligne dans cette affaire-là; déclare Pierre Moscovici, parceque nous ne sommes plus
dans la Françafrique».
Et il y a les compagnons de route de Gbagbo qui, refusant de renier leur amitié, probablement de bonne foi.
De leur coté Henri Emmanuelli et François Loncle signent de
conserve un communiqué accusant «la majorité des
médias français, relayés par un certain nombre de responsables
politiques.
La France dispose de multiples leviers d’actions économiques
et financiers en Afrique.
Héritage historique, le trésor français est le gardien des traités de coopération monétaire pour les trois
monnaies africaines ;
il peut accorder des prêts aux banques centrales en difficulté,
mais en contrepartie, ses hauts fonctionnaires siègent
au sein de diverses instances financières africaines.
Ainsi, sous-directeur aux affaires financières internationales,
Rémy Rioux est-il le représentant de la France à la
BCEAO depuis 2010.
[L’enjeu du trésor français est trop important] pour bien calibrer
les actions à mener. L’asphyxie financière du régime
L’arrêt des financements de la Banque Mondiale et du FMI. Les rentrées fiscales s’annoncent mauvaises. Gbagbo doit improviser
des parades pour trouver au moins 100 milliards de francs CFA nécessaires chaque mois au fonctionnement de l’administration.
Le gouvernement ne rembourse plus ses dettes,
à commencer par 30 millions de dollars d’intérêts qu’il devait
verser à un consortium de banques fin décembre
2010. Tout contribuable doit payer ses impôts en cash ou
sur un compte encore accessible par le pouvoir en place.
Certaines des grandes entreprises françaises s’y plient
parfois aussi. L’apprenant l’avocat Jean-Paul Benoît
s’avise d’approcher à Paris l’une d’elles : «Il était notoire
que son entreprise alimentait Gbagbo en cash via des commissions sur ses activités.
Je suis donc allé lui demander que, par mesure d’équité,
mais aussi dans son propre intérêt, pour conserver plusieurs
fers au feu, elle en verse aussi une partie à Ouattara
qui, bloqué au Golf hôtel,manquait cruellement de finances.
Il m’a répondu que ‘‘les affaires n’étaient plus ce
qu’elles avaient été, qu’il n’avait pas les moyens, etc.’’
Je lui ai suggéré d’au moins appeler Ouattara. Il m’a expliqué
qu’il ne voulait pas discuter au téléphone…».
Ouattara suggère au ministre des Finances de Gbagbo, qui
venait de le rallier, de s’envoler au plus vite vers Paris avec
pour feuille de route l’organisation de soutien international.
Charles Koffi Diby joue un rôle important à Paris, à
Washington et à Dakar,comme une sorte d’ambassadeur
itinérant de Ouattara.
revenant jamais au Golf, des doutes sur sa loyauté émergeront
indûment. Les tractations se concentrent donc sur
la personne même de Gbagbo.
Ouattara précise qu’il ne le contraindra pas à
l’exil, puisqu’il prononcera une amnistie en sa faveur et
le fera bénéficier d’un statut d’ancien chef d’Etat. Ouattara
explique qu’il n’envisage pas une guerre contre le régime,
mais ‘‘une opération spéciale’’, ‘‘non violente’’
pour s’emparer de Gbagbo. Et de prendre pour exemple
l’arrestation de Noriega, en oubliant de préciser qu’elle
avait nécessité en 1989 l’intervention
de 50.000 GIs.
qui envisage l’infiltration des forces spéciales
africaines par les égouts d’Abidjan pour capturer l’ancien
Sauf que la Cedeao n’a absolument pas les troupes
adéquates. «Vu la lente détérioration sécuritaire à Abidjan,
relate le colonel Hintzy,commandant du Batlic, on
sentait que quelque chose allait survenir dans les semaines
à venir et nous avions tous l’appréhension d’être relevés!
» «Petit à petit, note ainsi le colonel Geoffroy de
Larouzière-Montlosier, commandant le 16 BC, la tension
est aussi montée à Bitche.
Nous devions nous préparerà vivre des moments difficiles
». «Finalement, reconnaît son chef, le général
Castres, ce que nous n’avions pas anticipé était que Gbagbo
nous coupe l’accès au carburant ou nous fasse des difficultés
avec le dédouanement»… A la tête du Detalat le lieutenant-colonel Stéphane G., du 1er RHC, prend la suite du lieutenant
colonel Pierre V. du 5ème RHC qui lance, prémonitoire
!». Pour les Gbagbo, Jean-Marc Simon n’est plus qu’un
‘‘sans emploi, un citoyen français ordinaire’’.
La voix hertzienne venue du ciel Le gouvernement français
résout en partie une grave déficience du clan Ouattara,
son bannissement des ondes.
Tout d’abord il intervient auprès du diffuseur satellite de
la RTI, Canal+Horizon, ainsi que de l’opérateur du satellite
lui-même, l’Américain Intelsat,pour réfléchir à l’écho
qu’ils offrent aux propos de Gbagbo. Le retour de Ouattara
sur les ondes devient
une priorité stratégique.
«Il importait, explique unconseiller à l’Elysée, que
l’international».
La première étape a été la création d’une station radio, ‘‘Radio Côte d’Ivoire’’, qui ne nécessita guère de moyens. Mais c’est
surtout le petit écran qui est à conquérir: ‘‘Télévision Côte
d’Ivoire’’ (TCI) voit le jour le 22 janvier 2011. Diffusés en
ondes hertziennes, les deux médias sont facilement
brouillables. La France prend donc l’affaire en main et,
comme elle ne peut l’assumer officiellement, c’est la
DGSE qui est chargée d’acheminer le matériel nécessaire
à une émission satellitaire.
En particulier, une antenne parabolique de
grande taille est livrée à Bouaké, posant quelques
soucis aux hélicoptères ayant mission de la rapatrier à
Abidjan. Elle arrive en pièces détachées et transportée
de la mettre en service.
TCI sera ainsi relayée à partir du 17 février par Eutelsat.
Le décodeur Strong est nécessaire, du matériel standard,
mais encore faut-il le trouver. En huit jours, la capitale
en est miraculeusement pourvue… Le visage du
vainqueur des élections réapparaît.
Donc sur les écrans ivoiriens. Quant à sa voix, elle
est aidée par un officier de la DGSE qui participe au Golf
prompteurs sont fournis par les Français, Ouattara ne serait-
il qu’un homme de paille confortablement installé ?
D’autant que la facture de l’hôtel elle-même est largement
prise en charge par le budget français ?
une ou deux fois tous les deux jours au téléphone,
pour prendre le pouls de la situation, pour le conseiller,
en rien pour lui dire quoi faire».
Gbagbo peut-il cependant ignorer l’assistance
française dans ce pays où tout se sait ? En tout cas, lui
et les siens n’en disent rien.
Au sommet de l’Union Africaine les 29 et 30 janvier, le
président français ne fait qu’une brève allusion à la
Côte d’Ivoire :
«La France apporte un soutien résolu aux efforts de l’Union Africaine,de la Cedeao et du secrétaire général des Nations
unies».
La tempérance du Français satisfait l’Angolais Dos Santos dont les services auraient fait savoir à l’Elysée qu’il réclamerait un droit de réponse en cas de propos trop fermes à l’encontre de
Gbagbo qu’il soutient encore.
Après un premier mois de fermeté, l’Union Africaine
semble vaciller. Alors qu’elle réclamait jusqu’alors le départ
de Gbagbo, voilà que son président de commission,
le Gabonais Jean Ping, ne se dit «plus sûr qu’il faille
présenter les choses ainsi».
Le Quai d’Orsay l’a toujours suspecté de pro-gbagboisme
en raison des origines ivoiriennes
de sa femme.
En coulisses, Choi croit que le clan Gbagbo n’écarterait plus
la solution qui leur tient à coeur, un destin à la Kérékou
[Président du bénin qui fut battu aux élections en 1991
mais réélu en 1996].
Plus l’heure des armes approche pour Licorne, plus le général
Palasset veille à la retenue de ses hommes. Le colonel
Hintzey patron du Baltic, vérifie que son unité a bien
compris sa mission : Abidjan n’est pas Kaboul. Là-bas,
quand une troupe est prise à partie, la légitime défense
l’autorise à répliquer dans la seconde. Officiellement Paris
affiche toujours sa neutralité Lâché pour de bon par
l’union Africaine, même Jacob Zuma a fini par l’abandonner
après sa visite en France le 2 mars. Paris
comme certains l’avancent,aurait-il acheté sa volte-face
avec des avantages financiers pour l’Afrique du Sud via
l’Agence française du développement? Présent à l’entretien
Côte d’Ivoire, JeanDavid Levitte dément formellement :
«Le ton a été parfois vif, notet-il.
Le Sud-Africain préconisait une solution à l’africaine,
le partage du pouvoir dont nous ne voulions pas par
soucis du respect des urnes.
Aucun des deux présidentsne lâchait prise. Zuma restait
rivé sur la Constitution ivoirienne ». Nicolas Sarkozy, lui,
est sorti très tendu de la rencontre mais «satisfait d’avoir
eu une discussion sur le fond »… «Il est toujours au pouvoir,
a noté le New York Times, le 16 mars.
Mais à bien y regarder, l’Ivoirien a perdu de sa superbe. La raison
en est simple : ses finances
seront bientôt vides.
«Le régime a tout de même tenu un mois de plus que ce que nous pensions», relate le directeur adjoint du ministre français de l’Economie et des Finances. «Nous avons aussi
mobilisé l’intelligence économique, ajoute Christophe Bonnard, pour vérifier que
Gbagbo ne se finançait pas par exemple par la vente du
stock d’or ivoirien».
Mais la DGSE n’a pas relevé de mouvements notables… Le scenario est plaisant !
Révélations de Jean- Christophe Notin in
«le crocodile et le caïman»
Autre Source