Georges Tai Benson : « Gbagbo est mon frère et je ne le renierai jamais même si je dois manger du sable. »

En accordant une interview à l’homme de media Georges Tai Benson, Le Nouveau Réveil proche du PDCI s’attendait surement à le voir renier le président Gbagbo compte tenu de la galère qu’il traverse aujourd’hui. Mais l’homme est resté digne et sur ses positions. Dans cette interview, il donne une leçon de reconnaissance à tous ceux qui après avoir bénéficié des largesses du président Gbagbo le vouent aux gémonies. Simplement émouvant
Monsieur Georges Taï Benson, comment vous vous sentez aujourd’hui ?
Je me sens mal, très très mal. Et je ne sais pas pourquoi. Je voudrais d’abord me présenter aux lecteurs. Je suis Taï Benson, puisque Georges ne figure pas sur mes papiers officiels, parce que je suis un chrétien de dernière heure. Taï, c’est mon prénom contrairement à ce que pensent les gens de l’Ouest, je ne suis pas de chez eux (rires). Je suis d’origine ghanéenne, puisque c’est le point commun des akan. Mon père était bijoutier et ma mère, ménagère. Je suis né d’une fratrie de près de 26 enfants. Je sais que mon père a eu 4 à 5 femmes dans sa carrière d’homme. J’ai grandi à Grand-lahou auprès de ma grand-mère où j’ai fait le Cp1 au Cm2 de 1952 à 1958. Au collège, je n’ai fait que deux ans et je n’ai jamais mis mes pieds en classe de 5eme. Je vais mal parce que la politique, que je n’ai jamais faite, est venue détruire ma vie. Socialement, je me porte mal, mais moralement, très bien. Je suis très fort.
L’histoire de la Télévision ivoirienne se confond avec le nom de Georges Taï Benson. Quels sont vos rapports avec votre ancienne maison?
Ecoutez, je souhaiterais être clair. Car si c’est pour vous parler d’aujourd’hui, alors ça va être difficile, parce que je suis un Gbagbo môgô ; c’est-àdire des gens qu’on évite. Mais, mes rapports avec la Télévision, avec la Rti ont très été affectifs. Je suis entré à la Télévision le samedi 06 juin 1964, comme on le dit vulgairement, je ne connaissais pas encore. J’avais à peine 18 ans. Et j’en suis sorti très tard, la cinquantaine passée. Cela veut dire que j’ai passé à la Télévision, la majeure partie de ma vie où j’ai eu tous les honneurs, mais aussi tous les tracas. Figurez-vous que je suis d’un niveau 5ème. C’est-à-dire, quand on parle de diplôme, je ne peux qu’exhiber le Cepe. Mais moi, je vous ai toujours dit, jetez-moi les fleurs de mon vivant. J’aime les fleurs à titre costume qu’à titre posthume. Pour cela, je me jette les fleurs moi-même, quand on ne me les jette pas.
Aujourd’hui, bien qu’étant de niveau 5ème, je peux discuter d’égal à égal avec beaucoup de personnes qui sont de niveau très supérieur que moi. Mais, on ne m’a jamais payé que par rapport à ce diplôme.
Voulez-vous dire que la Rti ne vous a pas récompensé par rapport à ce que vous aviez fait ?
Non, la Rti ne peut pas me récompenser outre mesure, parce que la Rti n’est qu’une branche de la fonction publique, malheureusement pour moi.
C’est maintenant qu’il y a des Epn ou je ne sais trop quoi d’autres. Je dis que la Rti est aveugle, voire sourde. Elle ne voit que ce qu’elle a imprimé dans ses règlements. A la Rti, je n’ai jamais touché 350.000fcfa tout le temps que j’y ai passé, sauf lorsque je suis devenu conseiller du directeur général à l’époque, avec une indemnité de 75.000fcfa. Je ne veux pas trop parler de cela, parce que j’aurais dû tempêter en son temps avec la grand aura que j’avais. Mais, ce n’était pas important pour moi jusqu’au jour où je devais payer l’école de mon enfant. Puis, contrairement à ce que beaucoup pensent, aucun de mes enfants n’a fréquenté une école publique.
Egalement aucun de mes enfants n’a eu aucune bourse, aucune prise en charge pour l’extérieur ou quoi. J’ai toujours tenté de payer pour mes enfants, les écoles, les meilleures. Je n’ai jamais pleurniché pour ça. Et mon épouse s’est toujours battue pour nos enfants.
Mais, il y a tout de même eu vos moments de gloire à la Rti sous Houphouët et on devine aisément que vous aviez eu beaucoup d’argent à l’époque ?
(Rires) c’est vrai qu’il y a eu une membre de la famille qui est venue se marier à moi. Mais, en tant qu’akan, ce n’est pas moi qui vais aller demander quoi que ce soit. Je ne veux pas trop m’étaler là-dessus. J’ai bénéficié du soutien du président. Quand je me suis marié, il nous a offert une maison.
Ecoutez-moi bien, quand j’emmenais les artistes à Yamoussoukro à l’époque, (les gens que je vais citer vivent encore) le président Houphouët m’appelait des fois à 4 heures du matin, pour me dire par exemple "Benson, prépare le spectacle avec François Lougah, Allah Thérèse, Aïcha Koné et bien d’autres". Quand je reçois les consignes, je pars immédiatement informer mon patron, Ben Soumahoro. Cela me dérangeait souvent qu’il m’appelle au-lieu d’appeler mon patron, bref. Sur les lieux, je présente le spectacle et Abdoulaye Diallo se tenait à la descente du podium. Quand chaque artiste finit, il reçoit un million de sa main. Et quand vient mon tour, il me dit : "Tiens, Benson, toi, c’est la famille". C’est Monsieur Zaher, un Libanais qui me donnait 10.000fcfa pour retourner à Abidjan. Allez-y comprendre et c’était presque comme ça tout le temps. Pendant qu’on loge les petites secrétaires qui accompagnent les gens, à l’hôtel président, on nous logeait au Cafop. On dit beaucoup de choses sur Benson. C’est vrai, c’est une vedette, c’est normal. Mais, vous savez que les rumeurs ont ceci de tenace et je suis en train de boucler mon livre là-dessus. Je ne suis pas de ceux qui ont eu des milliards avec Houphouët. Le président Houphouët m’admirait beaucoup et je pense qu’il en a donné à des gens et cela ne m’est pas parvenu, je ne sais pas. Non plus, je ne suis pas de ceux qui vont pleurnicher pour demander telle chose ou telle autre au président, jamais.
Etes-vous aujourd’hui un homme frustré ?
Non, je suis plutôt comblé par la réussite que j’ai eue dans ma profession. Je suis un peu étonné par le comportement de certaines personnes à mon égard. Frustré, je ne connais pas exactement la signification du mot, mais je me pose des questions. Et je me dis aussi que j’aurai pu recevoir autre chose comme récompense, que ce que je reçois de la part de certaines personnes qui racontent n’importe quoi sur moi. La rumeur est difficile à effacer, à éteindre. C’est pourquoi, nous devons faire très attention quand on parle. Il y a des choses qu’on peut rattraper, mais l’eau qui est versée, on ne peut plus ramasser. La parole est comme cela, ne fois qu’elle est prononcée. Je ne suis pas frustré, mais je ne suis pas content. Je me dis qu’on aurait dit autre chose de moi et je me serais peut-être conduit autrement. Vous savez, j’étais trop célèbre et je pense que je le suis encore.
Oui mais n’est-ce pas votre attitude qui vous a mis dans cette situation. D’aucun diraient même que vous viviez au-dessus de vos moyens?
Vous ne me connaissez pas je pense bien. En tout cas, vous ne me connaissez pas. Je n’ai jamais habité une maison avec jardin. Je n’ai jamais eu une 4×4 rutilante, tout le monde me connait à Abidjan ici. Je roule toujours dans les petits véhicules d’occasion. Je n’entretiens pas des maîtresses à outrance, je ne connais pas le goût du champagne, je ne fume pas. Je ne suis pas un bon vivant, encore moins vivre au-dessus de mes moyens. Je vise plutôt au-dessus de mes moyens, mais pour assurer l’avenir de mes enfants. J’ai même tenté de les envoyer à l’extérieur à mes propres moyens cela n’a pas abouti, parce que je n’ai pas eu l’argent nécessaire. Quand je vous dis que je n’ai jamais touché 350.000fcfa, croyez-moi, c’est la vérité. Je ne roule pas carrosse, donc je ne vis pas au dessus de mes moyens.
Combien d’enfants avez-vous?
J’en ai six au total. Quatre d’un premier lit et deux d’un deuxième lit. Ce sont mes enfants et je n’en ai pas honte. J’ai fauté vis-à vis de la loi ou je ne sais pas quoi ? Mais vis-à-vis de mon cœur, j’ai six enfants. Georges Taï Benson a côtoyé tous les présidents, ça doit être beaucoup d’argent.
Mais, je m’en vais vous dire que je ne travaille pas avec les présidents pour de l’argent. Demandez au président Bédié, il vit encore. Combien de fois il m’a donné de l’argent ou même je suis allé à son bureau. Le président Bédié m’a aidé et terriblement bien. Un jour où je devais faire venir des Sud Africains ici pour une manifestation et pour un problème que j’ai eu, je ne devrais plus les faire venir. C’est là que quelqu’un m’a conseillé d’aller voir le président Bédié. Sincèrement, ce n’est pas quelqu’un que je fréquentais tous les matins. J’ai dû forcer pour y arriver. Il m’a reçu. Au final, il m’a donné les moyens pour aller les chercher. Ils ont fait leur travail et sont retournés. Je n’oublierai jamais cela. J’ai toujours remercié le président Bédié pour cela. Demandez aux Abdoulaye Diallo, combien de fois ils m’ont remis de l’argent de la part d’Houphouët. Et pourtant, il y en a qui ont des compagnies de bateaux, des sociétés immobilières, qui sont Pdg etc. j’ai été directeur à la télé, moi ?
Pourtant, tout le monde s’accordait à dire que j’étais le meilleur. Etant parent d’Houphouët, j’aurais pu être directeur de la télévision. Pour moi, quand Ouégnin m’appelle au lendemain d’un journal télévisé pour me transmettre les félicitations du président, ça me suffisait, parce que j’étais fier de moi. Mais, il y a des confrères qui vont faire des interviews chez Houphouët et profitent pour lui dire, Président, je suis mal logé. Pareil chez Gbagbo et on leur donne une maison, on leur donne 50 millions. Ils sont là et se reconnaitront dans mes propos. Trop de choses se racontent sur moi, mais hélas, ça me glisse sur le dos. On m’accuse d’avoir fait des bêtises.
Pensez-vous qu’on vous accuse à tort pour rien?
Des bêtises ! J’en ai fait plein, puisque j’ai trompé ma femme. Et puis, je ne suis pas un saint, sauf que je ne l’ai pas fait au niveau de mon service. Je n’ai fait que de grands trucs, de grandes manifestations qui, parfois, m’ont rapporté du sou, comme il y en a qui m’ont coûté. J’ai même construit un hôtel par les soins d’un ami ministre qui m’avait mis en contact avec un operateur expatrié. Tout de suite, les gens ont pensé que c’était Houphouët.
Que gardez-vous de votre collaboration avec le président Houphouët durant tout ce temps ?
De quoi voulez-vous parler encore, d’argent ? Si oui, c’est que Joseph Diomandé a dû gagner plein. Puisqu’il a fait mieux que moi auprès d’Houphouët. Et pourtant, c’est moi qui le dépannais des fois quand il tombe en panne sèche. Pendant ce temps, il s’achemine vers l’aéroport pour couvrir l’arrivée d’Houphouët d’un voyage. Cher petit frère, je te dis toute la vérité. Nous n’étions que des employés et n’avions que nos salaires.
C’est au nom de la Rti que je suis toujours parti à Yamoussoukro et non parent d’Houphouët. D’ailleurs, je n’ai fait que marier sa petite fille et non moi-même son parent. Quand il remet 20 millions à Aïcha Koné pour ses 20 ans de musique, pensez-vous qu’il m’en donne aussi ?
Je voudrais qu’on revienne sur votre collaboration avec les différents présidents. Après Houphouët, aviez-vous pratiqué le président Bédié ? Le connaissez-vous personnellement ?
Je ne le connais pas personnellement sauf pendant qu’il était ministre de l’Economie et des finances et non en tant que président de la république. Ila été notre premier invité à l’émission fauteuil blanc que je réalisais et que Ben Soumahoro produisait et présentait.
Ben Soumahoro m’a demandé d’aller chez monsieur Bédié pour le coacher un peu en audiovisuel, lui donner quelques astuces de la télévision. Dans ce cadre, j’ai été deux fois chez lui. Nous nous sommes vus une fois chez monsieur Henri Kouassi à table où il m’a taquiné un soir. Ce que je retiens de lui, c’est que très tôt, il s’est mis à la vie publique. Et je me plais toujours à dire que la Côte d’ivoire a certes été inspirée par le président Félix Houphouët-Boigny mais la main qui a fabriqué la Côte d’Ivoire, c’est Henri Konan Bédié. C’est Henri Konan Bédié qui a su choisir ses hommes en les envoyant en Europe, aux Etats-Unis se former. Qui a su imaginer les grandes choses. Oui, le président Houphouët avait une grande équipe et le président Bédié était le chef d’orchestre. Mais devenu président, je ne peux pas le juger, ça non. Autrement, je ferai de la politique or j’ai dit que je n’ai aucunement la conviction politique. Et ça, je m’interdis bien qu’aujourd’hui, je souffre de cette politique. Mais sur le plan professionnel, ministériel, vraiment, les choses que j’ai vues sous le président Bédié : les Agripac, les Distripac et Sodé, c’était formidable. Malheureusement, il a été trahi par ceux qu’il a choisis à la tête des Sodé et je lui dirai quand j’en aurai l’occasion un jour. Ils se sont servis plutôt que de servir le pays. Le président Bédié était un visionnaire comme Houphouët, son mentor. Le miracle ivoirien dont on parle tant, Bédié y est pour beaucoup et j’en parle dans tous les cercles.
Après les présidents Houphouët, et Bédié, arrive Robert Guéï C’est de triste mémoire (Ndlr : un soupire). Mes malheurs ont commencé avec le coup d’Etat. C’est dommage, il ne vit plus parce que je n’aime pas parler des gens en disant leur nom. J’avais mon agence Régie 12 qui, à un moment, était mieux équipée que Tv2. Comme nul n’est prophète chez soi. Parfois, l’on n’aimait pas ma tête dans cette maison. Je travaillais plus pour l’extérieur que pour mon pays quand j’étais à Régie 12. Je faisais des reportages à la frontière du Liberia pour Tv5 et des télévisions américaines etc. Arrive le coup d’Etat. L’on m’appelle un jour pour me dire que le président Guéi veut me voir à l’Indenié chez lui. J’y vais. Il est très à l’heure, il descend. Il me demande ça va, petit frère ? Je dis, grand frère, ça va. Il faut que tu regagnes l’équipe comme tu faisais les grandes choses pour le papa afin qu’on fasse de grands trucs comme Joseph Diomandé, Issa Sangaré. Moi, j’ai peur de l’uniforme, j’ai peur des coups d’Etat militaires, j’ai peur des armes. Je lui ai dit sans penser à ma famille, cela me gêne un peu, vous êtes des militaires, moi, je suis un artiste. Aujourd’hui, en culotte, demain en smoking, après demain en pantalon jean. Vous, vous n’aimez pas ça. Vous, c’est la rectitude militaire, je ne pourrai pas faire la discipline militaire. Je ne veux pas laver non plus les toilettes au camp militaire. Excusez moi grand frère ! Et il dit c’est dommage et m’a saluer. Je crois que c’était un mercredi. Le vendredi qui a suivi, je n’étais plus rien. Mon agence se situait derrière la Télé dans un immeuble qu’on appelait Jbg. Les gens disaient que c’était mes initiales Jeune Benson Georges. J’arrive le matin je vois plein de monde. Des militaires et tout. Je me suis dit que les gens-là sont là encore. Parce que c’est par là ils passaient pour aller à la télé faire leurs exactions. Mais lorsque je suis approché, je me suis rendu compte que c’était chez nous. J’arrive, mon assistante, mes collaborateurs, on les bouscule jusqu’en voiture. J’arrive, on dit le voilà. Je n’avais pas encore garé ma voiture, le temps d’ouvrir ma voiture, les coups de cross tombaient sur moi. Ils ont tout pris. J’avais une Chrysler à l’époque pour faire mes reportages. J’avais deux millions pour payer le personnel et un petit matériel. "C’est Bédié qui lui a donné ça. C’est Bédié qui lui a donné ça. Prenez". Ils ont tous embarqué dans ma voiture Chrysler au volant de laquelle se trouvait un militaire qui ne sait pas conduire ma voiture. Ils ont molesté mon assistante et mon collaborateur. Déjà, à cette époque, j’ai commencé mes malheurs .Et je marchais de Cocody au Plateau pour chercher du travail
Moi Benson Georges, quand je m’assoies devant quelqu’un pour dire que je cherche du travail, l’on ne me croit pas.
Et pourquoi?
Même aujourd’hui, demander du travail, je ne veux pas être directeur ou sous directeur. J’ai des idées de communication à vendre. Mais l’on ne te croit pas parce que tu es "gbagbo mogo". Mais à l’époque, quand tu dis que tu cherches du boulot, on dit toi aussi. C’est comme cela que les gens font et puis les gens meurent de faim dans une cuisine. C’est comme cela que je marchais de Cocody au Plateau ayant tout perdu. Il parait que c’est une femme blanche qui m’a récupéré pour m’amener à la pharmacie des Arts pour me donner du magnésium
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Avec Laurent Gbagbo, vos malheurs ont cessé puisse que vous atterrissez à la présidence
C’est dans cette atmosphère sans emploi, sans ressource, le courant coupé à la maison. Un jour, j’étais dans la voiture d’une amie puis mon téléphone sonne, on m’avance l’épisode d’un événement dans ma famille. Je n’avais pas d’argent. Là où je pensais qu’on en trouvait comme vous dites que je suis avec tous les présidents, j’ai pris plein d’argent. Je vais essayer de trouver de l’argent pour cet événement, mariage. J’entre au Pdci-Rda, je ressors avec 62 000 Fcfa parce que j’ai l’habitude de ces gens-là pour qui j’ai travaillé, je me dis qu’ils vont se rappeler ce que j’ai bien pu faire. J’entre dans le Pdci je ressors avec 62000 Fcfa que me donne M. Tiapani. Mais pourquoi il me donne ça. Parce que j’avais travaillé pour lui à une époque pas pour lui mais pour son ministère. Il me devait de l’argent. Je suis sorti avec 62000 Fcfa. Et j’ai porté ma croix. Ils ont renvoyé ma fille de l’école Mermoz parce que je ne pouvais pas payer l’école.
J’étais dans une voiture et mon téléphone sonne. C’était le président Gbagbo qui me demande pourquoi je fais ça. Je dis que nous sommes des amis d’enfance. Même quand je m’opposais à ton propre grand père, tu n’as jamais de propos déplacés à mon encontre. Il me dit « viens me voir ». Je brûle tous les feux rouges possibles et j’arrive chez lui à domicile. Et il propose un poste de chargé de mission
Et vous ne refusez pas le poste que vous propose l’adversaire de votre "père" ?
Ah, petit frère, dans la situation ou j’étais, un président de la République te dit "viens travailler avec moi" je ne vois pas un seul Ivoirien, à part les militants extrémistes d’un parti, qui va refuser sur le champ. Je saute sur l’occasion parce que sur le champ, il appelle sa secrétaire pour qu’on réinscrive ma fille à ma Mermoz. Sur le champ, il me propose un poste de chargé de mission mais sur le champ aussi, je lui dis "Atto" je n’animerai jamais un meeting du Fpi et je ne ferais jamais partie du Fpi. Il dit en présence de Monsieur Amédée Couassi Blé que "je ne t’ai pas appelé pour ça. Je t’ai appelé pour te donner un salaire parce que les gens m’ont dit que tu marches de Cocody au Plateau. On m’a dit que tu mendies et je ne veux pas que les hommes célèbres tendent la main. C’est pour cela que je t’ai appelé pour te donner un bureau et un salaire. Je ne veux pas te demander de devenir Fpi ou d’animer un meeting. Le jour où j’apprends que tu es en train de remplir un document pour devenir Fpi on se sépare". Très clair en présence de M. Amédé Couassi.
Et je suis le seul certainement peut-être qu’il en a eu avant moi pour qui ce monsieur s’est déplacé pour venir voir mon bureau. Et il dit "j’ai dit de lui donner un grand bureau" J’ai dit non que c’est moi qui choisi ce bureau. Pour ceux qui sont venus me voir à cette époque au palais, j’avais le plus petit bureau au bâtiment des conseillers au 3e étage sans ascenseur. Un petit bureau peut-être même de douze mètres carrés. Pendant tout le temps où je suis resté dans cette fonction, je n’ai travaillé que deux fois pour le président. Quand le secrétaire général des Nations unies est arrivé, j’ai travaillé pour lui et son épouse. Le président recevait le secrétaire général donc j’ai fait l’animation. Madame recevait l’épouse de Ban Ki Moon,
j’ai pris les artistes de l’Ina (Ndrl : Institut national des arts) nous avons joué des musiques coréennes, elles étaient très contentes. J’ai travaillé une troisième fois pour madame à l’occasion d’un concours artistique sur la réconciliation où j’ai fait faire des monuments… ce sont les seules fois où j’ai travaillé pour eux. Mais nous avons été très clairs au départ. Il m’a engagé pour me relever du point de vue de mon honorabilité et me donner un salaire. Je lui ai dit que je n’animerais pas un meeting du Fpi.
De mémoire d’homme politique, il y a un ou deux meetings que j’ai animés et il y a un seul où j’ai été très actif. Ce n’était pas pour animer. On m’avait invité, j’étais assis et un jour je me suis plaint sur l’embargo sur les médicaments. Je suis allé à l’hôpital et j’ai vu la détresse des gens. Et je suis venu crier cette détresse pour dire que je n’étais venu ni pour Ouattara ni pour Gbagbo mais j’étais là pour la Côte d’Ivoire. Et j’ai dit que c’était le moment et je risquais de porter plainte contre celui qui a pris cette décision parce que dans toutes les vraies guerres, il y a des couloirs de Croix rouge, des couloirs humanitaires. Mais vous savez, quand on veut noyer son chien on l’accuse de rage. On oublie ce qu’il a fait de bien. La personne dit que je ne suis ni pour Gbagbo ni pour Ouattara ou bien on dit il a assisté au meeting de Blé Goudé…
C’est ce que l’on dit, que vous avez assisté au meeting de Blé Goudé, que vous le coachez et que Gbagbo est votre ami au-delà du conseiller simple que vous étiez ?
(Ndlr : il hausse le ton) Ah non, Gbagbo n’est pas mon ami, il est mon frère. Ah non, je ne renierai pas et je ne renierai jamais Monsieur Gbagbo, il n’est pas mon ami, c’est un frère. Je te prie d’écrire cela en lettres majuscules.
Qu’est-ce qui vous a marqué chez ce Monsieur ?
Chez qui ?
Chez Gbagbo.
Sa fidélité à l’amitié, à la fraternité
Vous qui sortez du Pdci vous n’avez pas connu ces qualités chez un membre de ce parti?
Ah, je ne suis pas Pdci. Je ne sors pas du Pdci. J’ai servi le Pdci en tant qu’employé. Le Pdci me l’a fait bien comprendre parce qu’on ne m’a jamais mis dans un organe du Pdci. Nous avons eu en stage la formation de certaines personnes qui ont été très vite coachées. Bureau politique, comité directeur, des jeunes à la radio, à la télé. Je ne veux pas citer des noms. Mais moi Benson, l’on ne m’a jamais coaché.
Est-ce que vous avez cherché à comprendre ?
Mais pourquoi je vais chercher à comprendre ? Cela ne m’intéresse pas. Ce qui m’aurait intéressé, c’est qu’on me nomme directeur général de la Rti ou directeur de la Télévision. Mais cela n’a jamais été fait. Je ne suis pas un quémandeur. Aujourd’hui, je suis obligé de mendier, de quémander. Mais je n’ai jamais été quelqu’un qui demande les postes. Il y a des jeunes qui ont été directeurs généraux, directeurs…
Et aujourd’hui, comment vous vivez, vous quémandez, où vivez-vous, comment vous passez vos journées ?
Tu me trouves dans un espace de bureau et tu vois la pile de papiers. Je crée. Je continue de créer mes émissions le temps que quelqu’un se dise qu’il a besoin de Benson. Aujourd’hui je vis misérablement à Yopougon.
Est-ce que vous avez cherché à rencontrer le président Ouattara ?
Pourquoi ? Moi, on m’a toujours appelé. Je n’ai jamais demandé. Et je suis désolé, on m’a toujours appelé. Je n’ai jamais demandé à rencontrer les présidents Houphouët, Bedié, Guéi ; Gbagbo et je ne demanderai jamais à rencontrer quelqu’un. Jamais ! J’ai écrit des lettres où je me suis humilié à cette époque (sous Ouattara). Quand j’ai eu mon accident en mission, j’ai eu un problème de bras, j’ai écrit qu’on me dédommage, qu’on me soigne comme l’avait promis le président Gbagbo. Je me suis humilié dans ces courriers-là. Humilié, je vous dis petit frère. J’ai regretté après parce que je pensais rencontrer de l’humanisme, de la compréhension. J’ai rencontré certaines personnes qui m’ont écouté et puis rien. J’en ai rencontré une qui a été sincère avec moi et je remercie cette personne que je considère toujours comme un frère. Mais il m’a mis des choses dans mes oreilles, il m’a traité de collabo et de traitre. Tu es un collabo, tu es un traitre "tu sais ce qu’ils ont fait aux femmes qui ont eu des relations sexuelles avec les Allemands pendant la guerre. On les a rasées et on les a mises nues. Et on les a promenées dans le village. Les hommes, on leur a mis une balle dans la tête. Je te regarde, je ne sais pas quoi te faire " Il m’a traité de collabo dans son bureau, il m’a insulté. "Toi Benson, tu es une icône, le président t’aime beaucoup. Mais tu as refusé de venir au Golf. Tu es resté avec l’adversaire. Tant que nous serons là, toi Benson, tu n’auras rien. Nous sommes là pour longtemps". Je cherche un pays où aller pour finir ma vie parce que je sais que je n’aurai rien dans mon pays. Je suis né le vendredi 25 janvier 1946 à Treichville.
Les seules fois où je suis sorti de mon pays, c’était pour aller apprendre le métier ou aller en reportage. Mes parents sont originaires du Ghana. Je ne m’en cache pas. Je ne connais pas le Ghana. J’y suis allé pour jouer au volley-ball. Je ne connais que la Côte d’ Ivoire.
Vous n’êtes pas Pdci, vous êtes peut-être Fpi ?
Je suis Georges Benson, réalisateur producteur de télévision. Je n’ai jamais payé une carte d’un parti politique et je n’en prendrai jamais. J’ai travaillé pour le Pdci en tant que technicien de l’animation de la télévision.
Quant à Joseph Diomandé, je ne pense pas qu’il ait pris une carte du Pdci. Quand arrive le congrès du Pdci, nous nous mettons tout naturellement à la disposition du parti et avec l’Etat parce que c’était le parti unique. L’on coupait nos cotisations à la source sans notre avis. Voici pourquoi nous étions Pdci. Quand vous nous voyez animer les meetings du Pdci, c’était au titre de la Fonction publique. Je suis allé à la Présidence pas au nom du Fpi.
Est-ce que vous regrettez de n’avoir pas été au Golf ?
Non. Je ne regrette pas. Je vais vous expliquer. Je n’ai pas de conviction politique. J’ai servi les présidents qui étaient sur le trône. Parti unique, nous sommes obligés. Ton directeur te dit que tu vas au congrés du Pdci à la fin du congrès, tu seras l’animateur de la soirée. Tu vas dire quoi ? Les gens font la confusion. Comme ce monsieur qui m’a agressé au maquis Aboussousan après le dernier congrès. Comme d’habitude, je déjeunais à l’Aboussouan comme tous les samedis et ils sont venus, ils ont dit : voilà les traitres. Je l’ai bien lavé et je lui ai expliqué qui j’étais. Vous pouvez demander à Fologo si j’ai été coopté comme ils l’on le fait pour les jeunes du Bureau politique, Grand conseil etc.
Ma fille aînée dit un jour, même Grand conseil où il y a 2 millions de personnes, tu n’es pas dedans aussi. Une fois, j’ai appelé Fologo pour dire que voici ce qui m’arrive. Il m’a dit qu’il y a une liste additive, il faut voir Ehui Bernard. Et j’ai appelé Ehui pour dire, vous aussi, vous allez me mettre sur une liste additive. Donc voici le malentendu. Vive le Pdci, vive Houphouët ! C’était au titre de la Fonction publique. Je n’ai jamais participé à une section de quartier. J’ai fait plus pour le Pdci que ceux qui se disent vrais militants. J’ai fait beaucoup surtout pour les candidats Pdci.
Comment jugez-vous l’environnement politique aujourd’hui en Côte d’Ivoire?
Quels conseils je vais donner à des gens qui sont Agrégés, Phd ?
Lorsqu’on parle de réconciliation, il faut qu’on se présente en réconciliateur. Qu’on crée l’environnement de la réconciliation. Parce que les propos que j’ai entendus de ce monsieur, "tant qu’on sera là, tu n’es pas venu au Golf" ne sont pas des propos de réconciliation. Mais je dis merci à ce monsieur parce que je sais ce à quoi je dois m’attendre. Désarmons nos cœurs. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Beaucoup d’Ivoiriens n’ont pas la culture des armes. Nous avons eu peur des armes parce que nous n’avons pas cette culture. Faisons en sorte que plus personne n’ait accès aux armes. Acceptons même les pires "ennemis". Faisons honte à l’adversaire en le recevant. Prions que ceux qui sont croyants disent que si l’on te gifle il faut tendre l’autre joue. Il faut pardonner. L’on sait que c’est toi le vainqueur et si tu appelles l’autre, cela te grandit. L’environnement est très difficile. Les gens vivent difficilement. Les gens, souvent dans les taxis ils se plaignent. Surtout faites attention ils sont plein d’espions, ne parlez pas trop. Des gens sont venus trouver un trou. Laissez-les mettre le trou à niveau. Prenons le temps. Parfois je suis très critique avec le régime parce que je suis dans ce pays mais au total pardonnons-nous. La femme qui voulait m’engager pour faire l’anniversaire du Pdci, je lui ai dit, on vous dit de ne pas travailler avec moi. Elle a dit oui car les gens lui ont dit que j’ai travaillé avec Gbagbo. Mais c’est quel crime. Je dis la vérité dans "Le Nouveau Réveil", c’est quel crime de travailler avec Gbagbo ? Vu m’avez-vous avec un fusil, avec un tank, avec une orgue de Staline ? Vous m’avez vu dans un meeting ? Mais si nous devons dire des choses nous devons crever l’abcès. Gbagbo est mon frère et je ne le renierai jamais même si je dois manger du sable.
Mais en même temps au Fpi, au Pdci, au Rdr, j’ai des amis mais on ne m’a jamais accepté vraiment. Au palais, quelqu’un était venu et les gens l’ont pris pour un traitre qui a mangé avec ceux qui les ont frappés avant. Et Gbagbo n’a pas apprécié et il dit qu’il ne voulait plus entendre cela. Dans un chapitre de mon livre, j’ai mis GTB, une erreur nationale.
N’y a-t-il pas un sort qui vous suit?
Peut être que je n’ai pas fait les gestes qu’il fallait pendant un moment. C’est-à-dire tendre la main. Aujourd’hui, je suis obligé de le faire pour assurer le quotidien, je suis obligé. Moi, je suis un battant.
Est-ce qu’aujourd’hui, vous avez un compte. Combien avez-vous dans le compte si ce n’est pas un secret ?
Je n’ai pas de compte. Et je n’ai rien. J’avais un à la Cnce mais il est vide
Interview réalisée par Patrice Yao et Dieusmonde Tadé
Coll :Coulibaly Foumséké
Nouveau Reveil du 07 Novembre 2013