Le régime ouattara négocie sa survie

Le verdict du procès de Simone Gbagbo est-il le
signe d’un nouveau virage amorcé par la lutte d’influence
au sein du régime Ouattara ?
Autour de Ouattara, l’aile dure du RDR et les courtisans
de toutes origines, entretiennent depuis toujours
l’espoir que l’ex-Première Dame et tous les autres cadres
du FPI détenus dans les prisons ivoiriennes y soient
maintenus le plus longtemps possible. Ils caressent le rêve
de ne les voir sortir au plus tôt qu’au lendemain des élections
de 2020. Ces derniers temps le débat sur la situation de ces
prisonniers a gagné en intérêt dans l’entourage de Ouattara,
et fissuré profondément le PDCI, le partenaire du RDR.
Les partisans d’un maintien sans fin des cadres FPI et pro-
Gbagbo en détention étaient devenus davantage persuasifs
depuis la tournée de Sangaré Abou Drahamane dans le
pays Wê, à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Ils croient en effet
avoir perçu dans l’adresse faite par le président Sangaré
au peuple martyr de l’Ouest, un projet de candidature FPI à
la présidentielle de 2020.
A côté d’eux, tous ceux qui prônent l’apaisement et la réconciliation
font pâle figure. Les extrémistes craignant de perdre
bientôt le pouvoir et mènent campagne pour le statu
quo. Mais les évènements, dont le jugement rendu dans
le procès de Simone Gbagbo mardi dernier, semble être un
des signes annonciateurs, prennent brusquement une
autre tournure.
D’abord les soutiens traditionnels du régime Ouattara, à
commencer par la France, manifestent par de grands
signes leur déception face à la gestion de l’Etat par Alassane
Ouattara. Sa récente rencontre avec François Hollande est
devenue un sujet anecdotique dans certains milieux. Cette
rencontre annoncée par les media nationaux comme devant
être consacrée à la coopération entre la Côte d’Ivoire
et la France à des séances de travail, n’aurait duré qu’une dizaine
de minutes. Evidemment,les commentateurs en
déduisent qu’il est plus facile de recevoir des instructions en
10 minutes que d’éplucher des sujets de coopération.
Alassane Ouattara a-t-il reçu des consignes de François
Hollande ? Ce qui est connu c’est que cette visite en
France est intervenue suite à la démarche des présidents
des pays francophones africains demandant à François
Hollande de peser de la manière qu’il peut afin que le dossier
des prisonniers ivoiriens connaisse un dénouement
dans un bref délai. Le cas de Laurent Gbagbo devenant
l’objet d’un traitement spécial.
Outre la France, plusieurs autres soutiens occidentaux de
Ouattara, auparavant très hostiles aux pro-Gbagbo, se sont
en définitive ralliés. Ils auraient été déterminés par les mutineries
à répétition dans l’armée, mais aussi par la méthode utilisée
par le pouvoir Ouattara pour y faire face. Tous ces
partenaires prédisent au régime d’Abidjan une suite incertaine
dans la mesure où, en plus de ne pas pouvoir répondre
aux attentes des travailleurs,
il manque de ressort pour canaliser ses propres
partisans. Les militaires ont différé leurs exigences mais
n’y ont pas renoncé. Les fonctionnaires
promettent de mettre la pression sur l’Etat
jusqu’à obtention de satisfaction de leurs revendications,
c’est-à-dire le paiement intégral des stocks d’arriérés.
Selon des indiscrétions le FMI exigerait à son tour l’assurance
d’une accalmie, preuve de la maitrise du dossier des
fonctionnaires par le gouvernement,avant de lui accorder
la rallonge budgétaire que négocie en ce moment l’Etat ivoirien.
Comme on le voit, tous les soutiens de Ouattara ont désormais
les pieds lourds lorsqu’il s’agit de courir à sa rescousse. De plus, il s’élève depuis peu de l’Afrique des voix souverainistes au sommet
même de certains Etats. Alpha Condé, le Président guinéen
et président en exercice de l’Union africaine est en passe,
depuis sa prise de fonction à la tête de l’organisation africaine,
de devenir le nouveau chantre de la souveraineté du
continent. Il en a fait la démonstration à Abidjan le mardi 28 mars dernier, lors de la conférence internationale sur
l’émergence de l’Afrique. Ce nouveau contexte est évidemment
défavorable à la politique de terreur et
exclusionniste de Ouattara. Il en a lui-même pris conscience
et, pour négocier le sursis de son propre régime, il doit multiplier
les gestes d’ouverture et de réconciliation.