Prisonniers politiques en Côte d'Ivoire Les otages de la haine d’un homme

Vont-ils être libérés au nom de la réconciliation nationale ? En Côte d’Ivoire, ces questions sont posées depuis cinq ans. Elles dépassent,à l’évidence, les juges qui ne s’en préoccupent guère. Parce que, de toute façon, un seul homme tient la vie de ces centaines de prisonniers qui croupissent à la Maca. Être l’otage d’un chef de l’état, c’est en Côte d’Ivoire qu’une telle histoire s’écrit.
Surtout, il ne faut pas écrire que Ouattara est un dictateur.
Des convocations suivront,de la part des hagiographes
qui fonctionnent, à bien y regarder, comme une
sorte de milice administrative.Car jamais président
n’aura autant mis ses contemporains en prison tout
en gardant l’image d’un démocrate.Une image surfaite,
évidemment, mais qu’il ne faut surtout pas écorner.
Pourtant, ce qui se passe derrière les grands murs de la
maison d’arrêt et de correction se passe de commentaire.
Certes, aujourd’hui, les tortures physiques ont fait la
place à la torture morale.
Parce que, encore aujourd’hui,l’on peut vous faire
changer de prison, vous transférer au camp pénal en
particulier ou, dans les autres prisons de l’intérieur du pays
où l’on a plus de chance de choper des maladies et d’en
mourir ensuite, une fois libéré.Tout semble en effet
diaboliquement réglé à la perfection.Mais on peut aussi
vous détenir au secret, là où personne ne connait.
Condamné à six ans fermes
par son juge, David Samba vice-président de la CNC
purge sa peine dans un lieu inconnu. Personne ne sait
dans quel état il se trouve.L’ancien syndicaliste Basile
Mahan Gahé, lui, l’a appris à ses dépens. Revenu du goulag
d’Odienné, sa santé s’est rapidement dégradée avant
de trépasser à jamais. Pourtant,tout le monde pousse
aujourd’hui Alassane Dramane Ouattara à libérer les
prisonniers politiques.
Y compris les américains qui ont forcé sa « réélection ».
D’abord parce qu’il n’a pas, à ce jour, condamné un seul de
ses chefs de guerre, pourtant épinglés par sa propre commission
d’enquête, mais ensuite parce qu’il doit montrer
qu’il a une humanité.
Enfin,parce qu’il a réussi à faire déporter l’ancien président ivoirien
et qu’il emprisonne également son épouse ; il devrait
donc, a priori, être content.
Pourtant, les prisonniers politiques continuent de remplir
les prisons. Des prisons surpeuplées comme la sinistre
Maca où sont internés environ 400 prisonniers politiques. La
plupart d’entre eux n’ont jamais vu un juge. Ou, dans le
meilleur des cas, le cabinet ne montre pas d’empressement
particulier. Parce qu’au fond, les aveux sur lesquels
ils travaillent ont été obtenus sous la torture à les entendre.
Parce que visiblement leurs clients ne sont pas des justiciables
comme n’importe quel citoyen. Ce sont les otages
d’un chef de l’état. Alors, chacun regarde ailleurs, feint de
ne rien voir pour ne pas s’attirer la colère du régime. Peu
importe donc les tortures dont beaucoup continuent
d’en porter les séquelles.
Il ya quelques jours, le ministre de la justice a, lui, trouvé
la meilleure idée de vouloir construire dix nouvelles prisons.
De quoi montrer que personne ne sera libéré et
que, de prisonniers politiques,il y en aura encore
dans les prochaines cinq années.Certainement pour
donner corps au pari insensé du chef de l’état de vider le
FPI de sa substance. Et si c’était, en vérité, pour mettre
plus de militants du parti de Gbagbo en prison, de sorte
que ceux qui voudraient rester en liberté n’auraient plus
qu’à le quitter ! Il ne faut jamais rien exclure dans notre
pays où le régime a refusé tous les appels, à la fois discrets
et publics pour élargir lesdits prisonniers politiques.
Samedi, l’association des femmes et Familles des détenus
d'opinion de Côte d’Ivoire leur a rendu une visite à la
Maca pour s'enquérir de leurs nouvelles. L’ancien ministre
des handicapés Jacques Dogo, lui-même handicapé, a
réceptionné les victuailles envoyées à cette occasion. En
l’absence des ministre Lida Kouassi et Assoa Adou déportés
à Bouaké, dans le sinistre camp pénal, c’est autour de
lui que les prisonniers tentent de se réorganiser, ne seraitce
que pour garder le moral.
D’autant plus que les arrestationsse poursuivent. Il ya environ
une semaine, Eric Kouya Gnapa arrêté à Grabo
a été torturé à la DST. Il ya perdu trois orteils, coupés par
les hommes de Koné Zakaria.
Selon l’association, la victimeest dans un état critique ainsi
qu’Alain Durand Zagol qui, lui, a de violents maux de ventre.
Réconfortés, les détenus ont exprimé leurs joies et leurs
reconnaissances à leurs épouses et leurs familles. Car
en prison, on apprend aussi à se satisfaire du peu.
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